Le voyage de Jean depuis Gwalihar jusqu'à Al'Winak avait été éprouvant.
Il laissait derrière lui un sillage de morts, tous ses suivants dévorés par les bêtes des terres sauvages... Mais surtout, il avait eu beau se rincer cheveux et visage à la fontaine de cette accueillante cité, il se sentait encore sale, et ses luxueuses vêtures noires et rouges étaient écorchées et maculées en maints endroits. Il ne se sentait pas à son avantage!
Quelques mercenaires et serviteurs déchiquetés, ce n'était pas si grave. C'était remplaçable. Mais une première impression, une arrivée dans une nouvelle ville, cela ne se faisait qu'une fois!

Parvenu aux portes de la Mairie, il lissa soigneusement ses longs cheveux de jais, puis arrangea au mieux sur ses larges épaules son pourpoint emperlé de rouge, bien qu'il fût déchiré au niveau d'un coude et encore légèrement crotté. Un souvenir de chute, durant une de ses nombreuses fuites, traqué par un monstre...
Et il poussa la porte pour entrer d'un pas altier, tête haute et oeil critique. Sa main se posa à plat sur le premier comptoir qu'il vit occupé par quelqu'un:

"Le bonjour, scribe, je souhaiterais faire inscrire mon digne patronyme sur les registres de votre cité. Je suis Jean Du Rouvre, anciennement noble citoyen de Gwalihar... Mais j'ai décidé de changer un petit peu d'air." Un vague sourire en coin, précieux: " Tester l'art culinaire Al'Winak et encontrer les jolies donzelles de ce pays, par exemple... Je suis un gourmet, voyez vous. Et un gourmand. En toutes choses..."

Jean était un homme qui aimait le son de sa propre voix, cela ne faisait pas de doutes.
Un parfait sourire, éclatant, tranchant avec le teint mat de son beau visage, et il s'intéressa enfin à la personne à qui il venait de s'adresser.
C'est qu'il n'avait même pas daigné y faire attention jusque là!

Mais pourquoi, ô grands dieux POURQUOI, avait-elle acceptée de faire des heures supplémentaires au lieu de fermer la mairie et d'aller faire la fête comme tout le monde ? "Personne ne viendra, c'est juste au cas ou les criminels reviennent, que tu puisses prévenir les gardes." Tu parles. Malgré la fête en cours, tout les cinglés du coin s'étaient donnés le mot pour passer à la mairie. Poussant un soupir, la secrétaire leva les yeux de sa grille de sudokus et regarda d'un air las le visiteur qui venait d'entrer... Qui lui avais foutu un cinglé pareil ? Il semblait sorti tout droit d'un musée et s'exprimait comme s'il sortait du XVII^ème siècle. Reposant délicatement son crayon sur sa grille, Elodie adressa son plus grand sourire sarcastique au visiteur.

- Je suis navrée, votre seigneurie, mais sa sainteté le bourgmestre n'est actuellement pas en mesure de vous recevoir, il est en effet actuellement occupé à festoyer avec les autres autochtones de ce lieu. Ma personne n'est pour l'instant pas habilitée à vous enregistrer dans le fabuleux registre de notre ville. Néanmoins, il vous est possible de vous rendre dans la MEEEEEEEEEEEEVEILLEUSE ville d'Aerith ou se déroule le bal ! Aurevoir monseigneur ! C'était un plaisir de discuter avec vous. La porte est derrière vous, refermez-la en partant, please, gracias, anéor, sayonara.

Et Elodie retourna à ses grilles de sudoku, sans daigner accorder une seconde de plus à Jean du Rouvre.


[Lien du bal ici : http://www.thoawin.com/f202-la-salle-de-bal-de-l-abondance ]

Mais comment lui parlait cette bougresse !!
Jean se retint de lui faire manger cet espèce de quadrillage stupide qu’elle remplissait. Il était nouveau ici…
Damnée administration sans âme ni politesse ! Dans le temps à Gwalihar, cela se serait passé autrement du temps du Rouvre !
Il resta un moment à la regarder avec des yeux furibonds. Entré de bonne humeur, il était maintenant dans la plus exécrable des colères.

Réajustement du col de sa chemise à jabots. Contrôle.
Un bal… Oui, c’était parfait pour commencer sa nouvelle vie. Jean était justement un spécialiste des bals, il dansait comme personne et savait séduire les plus belles…

« Oups ! Un coup de vent ! » dit-il.

Et il balaya de la main les feuillets quadrillés de la scribe. Puis s’en fut.

Direction le bal.