Stella resta plantée devant la lourde porte de bois du temple... La jeune Oëna était en plein courant d'air et frissonnait à cause du froid, mais elle ne parvint pas à se convaincre de pénétrer dans le lieu saint. Elle avait peur de se rendre compte que Lia n'y était plus et de se retrouver seule avec elle-même. Il s'était passé tant de choses en si peu de temps... La thoa'ryn tripotait nerveusement l'anneau de Nicodémus qu'elle tenait dans ses doigts tout en regardant l'immense porte de bois. Devait-elle pénétrer dans le bâtiment et prendre le risque de perdre définitivement tout espoir où continuer à douter ? Ne risquait-elle pas de devenir folle dans les deux cas ? Que faire... En cet instant, la seule chose que Stella aurait souhaité aurait été de disparaître purement et simplement et dire adieu à tous ces problèmes qui la concernaient finalement assez peu. Qu'est-ce qu'elle en avait à faire de Thoawin ? Elle n'avait qu'à attendre le passage du bus de Lialan et abandonner ce monde absurde après tout ! Il serait là d'ici une vingtaine d'années seulement ! Juste un battement de cils sur Lialan, mais une éternité dans ce monde. Le temps était si long sur Thoawin... Il se passait tant de choses si rapidement. Tout le monde semblait pressé pour tout, comme s'ils avaient peur de réaliser un jour qu'ils n'avaient pas fait tout ce qu'ils auraient voulus faire. Stella ne l'avait pas encore consciemment réalisé, mais une partie d'elle-même avait déjà compris que tout cela était lié à cette idée de "mort" qui lui était si étrangère. Une notion totalement abstraite pour l'instant mais qui semblait vouloir la rattraper... C'était ce qui était arrivé à Monsieur Nicodémus et à Fenrir, l'enfant de Calipso. Dans quel monde étaient-ils à présent ? Le monde venteux ? Lialan ? Ou encore autre-chose peut-être ? A moins que...
Stella déglutit. L'idée que toute trace d'eux ait pu tout simplement disparaître lui était insupportable. Pourquoi Thoawin était-il soumis à toutes ces règles étranges ? Et pourquoi Lia laissait-elle faire ça ? Ha ! Elle était bien loin l'héroïne de série qui stoppait toutes les injustices. C'était comme si dans ce monde elle s'était totalement volatilisée, où pire... Qu'elle avait cessé de s'inquiéter du sort des Thoawiens. Une autre idée tout aussi insupportable à Stella. La jeune fille jeta un rapide coup d’œil à la bague de Nicodémus et au symbole de Lia qui l'ornait. Peut-être était-ce un signe ? Le signe que sous une forme ou sous une autre, Lia était encore ici et faisait de son mieux ? L'Oëna décida de croire à ce signe. Elle entrouvrit la lourde porte du temple et se glissa à l'intérieur comme elle l'avait déjà fait un millier de fois dans ses vies précédentes, elle s'en souvenait à présent.

Et Lia avait toujours été là, présente d'une manière ou d'une autre. Cette fois-là ne ferait pas exception.

Stella Warnobi s'avança d'un pas lent et cérémonieux vers la statue de Lia. Elle s'agenouilla devant l'immense statue de la déesse et commença à prononcer une prière silencieuse non pas pour elle, mais pour Thoawin. Lia l'entendait, elle le savait. Et elle serait heureuse de comprendre qu'elle n'était pas la seule à faire de son mieux pour les humains.
Eux aussi faisaient de leur mieux pour s'entraider, malgré leurs erreurs, et Stella comme Lia en avaient toutes deux conscience à présent.

Stella ne savait pas combien de temps elle était restée agenouillée face à la statue de Lia... Plutôt longtemps en tout cas, car il semblait à la jeune fille que l'astre solaire s'était largement déplacé et la lumière n'était plus du tout la même. En fait, la prière pouvait être aussi prenant que la télévision... C'était bon à savoir vu qu'il n'y avait pas la télé dans ce pays, que son portable ne captait pas du tout et qu'il était de toute manière déchargé depuis longtemps et que les feuilletons radio de Thoawin étaient ennuyeux au possible. (A moins d'apprécier d'entendre des grésillements pendant des heures... Il y avait surement un sens derrière tous ces grisouillis mais la Thoa'ryn avait du mal à le saisir. Elle avait donc cessé d'essayer d'utiliser la radio.)
Une odeur familière parvint alors aux narines de Stella... Une odeur agréable... L'odeur de... Gwend ? Et de la soupe d'isunérites ? A la simple idée d'une soupe d'isunérites, Stella se mit à saliver et sorti du temple à la recherche de l'endroit d’où provenait cette odeur alléchante. Elle ne savait pas encore exploiter correctement ses sens, mais il lui semblait que cette odeur appartenait à un type qui parlait squelettes. (Associer un son et l'odeur qui émanait de ce qui provenait de ce son n'était pas évident du tout !) Stella se mit à courir, impatiente d'aller acheter de la soupe à cet homme. Sa voix et son odeur semblaient provenir du marché, elle s'y dirigea donc rapidement, le sourire jusqu'aux oreilles. Elle n'avait pas bue de soupe depuis des années !